Trouver des crosses de fougère

« C’est comme un tour de magie! », s’exclame mon amie Karen pendant que Melvin Nash écarte l’herbe séchée de l’année dernière pour mettre à jour des crosses de fougère [souvent appelées à tort têtes de violons] d’un vert riche qui pointent du sol. La scène se passe par un vendredi matin nuageux de début mai, dans un champ en bordure de la route 105 entre Fredericton et Jemseg. Nous cherchons ce mets raffiné du Nouveau-Brunswick : la crosse de fougère.
Chaque printemps, pendant deux ou trois semaines, on voit couramment les frondes enroulées de jeunes fougères-à-l'autruche dans les marchés, les kiosques routiers et sur les tables des meilleurs restaurants locaux. Même s’il est assez facile d’en trouver à vendre, nous avons opté pour l’expérience pratique. Nous nous sommes donc retrouvés avec environ 12 kilos de crosses de fougère. Pas si mal pour quelques heures de cueillette tranquille et agréable.
M. Melvin Nash fait autorité sur la cueillette des crosses de fougère (il a même écrit un livre recommandé sur le sujet) et il a offert très généreusement de passer sa journée à transmettre ses connaissances à trois recrues de cette cueillette printanière.
Où chercher?
Les amateurs de crosses de fougère peuvent être assez protecteurs de leurs meilleurs points de cueillette, mais voici quelques lieux évidents – il n’y a qu’à penser aux endroits où on voit généralement des fougères en été, par exemple des terrains bas, des vallées ombragées et des berges de cours d’eau.
Quand chercher?
« Dès que les pissenlits commencent à fleurir, c’est le moment de se mettre à chercher les crosses de fougères », selon Melvin. En général, la saison ne dure que quelques semaines et les petites crosses vertes poussent tellement vite… Si vous en voyez de la bonne grosseur, n’hésitez pas à les cueillir.
Quoi apporter?
Pas besoin de haute technologie – si on a des mains et des poches, on peut se faire une belle petite récolte. Cela dit, Melvin utilise un couteau pour que la coupe soit bien nette et des paniers traditionnels fabriqués par Vincent Bear de la Première Nation Tobique. Beaux et utiles pour la cueillette comme telle, ces paniers ont l’avantage d’aller droit à l’eau quand vient le temps de faire tremper et de rincer les crosses de fougères.
Comment récolter?
On cherche les pousses vert foncé roulées serré. Elles peuvent être aussi courtes que le pouce ou mesurer plusieurs pouces. Les tiges étant savoureuses aussi, il ne faut pas ramasser que les bouts. Il faut les briser ou les couper près de la couronne, en prenant soin de ne pas entailler la couronne. Chaque plant peut avoir plusieurs cernes de croissance, alors si on récolte la première pousse de crosse sur un plant sans endommager la couronne, on peut revenir et cueillir une deuxième série de pousses quelques jours après.
Comment éviter l’intoxication?
Quand il est question de végétation sauvage, c’est la principale préoccupation – comment s’assurer de ne cueillir que ce qui est comestible. Melvin se montre très serviable pour indiquer les autres fougères communes qu’il vaut mieux éviter. Une fois qu’on les voit à côté des crosses de fougère-à-l'autruche comestibles, la différence est évidente.
La plupart des sources vous diront qu’il y a une toxine naturelle dans les crosses de fougères crues. Donc, il ne faut jamais les manger crues. Cependant, au risque de déranger Santé Canada et ma mère, je peux vous dire que nous avons tous goûté aux crosses crues vendredi sans en souffrir.
Le nettoyage
Une fois nos paniers remplis, Melvin nous a révélé le secret de leur nettoyage. Au bord de l’eau, Melvin a étendu une bâche en souriant de manière énigmatique pendant que nous essayions de deviner quelles techniques il pourrait bien nous enseigner. C’était tout simple. Il a seulement soulevé le panier bien haut pour le secouer jusqu’à ce que les crosses de fougères tombent sur la bâche. C’est tout. Comme par magie, les petits morceaux bruns qui ressemblent à du papier sec et les pousses vertes se sont répartis en deux piles.
« Un peu de vent aurait aidé », dit Melvin en haussant les épaules, mais nous étions impressionnés quand nous avons ramassé les crosses de fougères pour la deuxième étape du nettoyage.
Comme pour beaucoup d’aliments sauvages, il y a un débat sur la manière correcte de nettoyer et de traiter les crosses de fougères. Melvin soutient que les effets nuisibles que les gens redoutent sont probablement causés par leur rinçage dans des sources d’eau impropres.
Pour rincer nos crosses de fougères et les faire cuire, nous sommes allés chez David et Carol Ray, à Estey’s Bridge, en banlieue nord-ouest de Fredericton. Un ruisseau propre et vif, plein de truites et de saumons, traverse leur cour. Nous avons descendu nos paniers dans l’eau pour qu’ils y trempent pendant quelques minutes. Puis, nous avons mis une petite quantité de crosses dans un autre panier, et nous l’avons saucé et bougé dans le ruisseau pour qu’il se remplisse d’eau, pour ensuite le secouer jusqu’à ce que l’eau s’écoule et que les débris soient rincés.
S’il n’y a pas de bâche ni de ruisseau dans votre cuisine, un bon rinçage dans l’évier devrait suffire, suivi d’une friction pour enlever les petits morceaux brunâtres.
La cuisson
De retour dans la cuisine de Carol et David, nous avons opté pour une cuisson classique. Couvrir les crosses de fougères d’eau dans une casserole et laisser bouillir pendant sept minutes (encore des excuses à Santé Canada, Melvin insiste pour dire que le temps recommandé de 10 minutes est trop long si on veut qu’elles restent croquantes.) Égoutter et laisser un gros morceau de beurre fondre dessus. Déposer dans une assiette et asperger de vinaigre.
Voilà la manière la plus simple et délicieuse d’en profiter, mais c’est loin d’être la seule.
Quelle est votre manière préférée de manger les crosses de fougères?